Pour offrir la vie, même après la vôtre
En Belgique, trop de personnes meurent encore dans l’attente d’une greffe. Dès lors, chaque don compte.

Au Groupe santé CHC, le don d’organes est un projet institutionnel mené par une équipe très investie. Rencontre avec le Dr Romain Thouny, médecin intensiviste, et Maurane Balts, infirmière chef d’une unité de soins intensifs adultes à la Clinique CHC MontLégia, les coordinateurs médical et infirmier du don d’organes.
La Belgique (et son bassin liégeois en particulier) est leader en Europe du point de vue du don d’organes, au prorata du nombre d’habitants, mais nous avons néanmoins toujours besoin de greffons, et surtout de cœurs, explique le Dr Romain Thouny. Actuellement, au Groupe santé CHC, les cœurs sont prélevés "à cœur battant" sur des patients en état de mort cérébrale. Malheureusement, chez les patients en arrêt thérapeutique (qui ne sont pas en mort cérébrale), qui représentent 95% des donneurs potentiels, le coeur souffre trop et ne peut être greffé.
Nous avons dès lors mené une réflexion afin d’élargir les possibilités de prélèvement à ces patients en arrêt thérapeutique grâce à la technique de la circulation extracorporelle (CEC), utilisée dans cette indication depuis quelques années dans d’autres centres. Le 21 octobre dernier, une délégation du CHU de Liège est venue nous présenter le fonctionnement de cette technique avec son appareil portable d’ECMO (extracorporeal membrane oxygenation). Nous ne disposons pas (encore) d’un tel dispositif au Groupe santé CHC. L’enthousiasme du CHU de Liège s’explique par le fait que nous sommes son premier partenaire en termes de don d’organes pour 2023 et l’entente entre nos équipes est très bonne.
Concrètement, lorsqu’un don de cœur est enclenché, le CHU est contacté et une équipe vient à la Clinique CHC MontLégia avec son appareil portable d’ECMO. On arrête le cœur du patient donneur, une attente de cinq minutes est respectée afin de pouvoir prononcer le décès et on reperfuse le cœur avec le dispositif. Avec cette technique innovante, on estime pouvoir augmenter de 20 à 30% l’offre en cœurs, ce qui est prometteur pour l’avenir.
Peu de temps après cette rencontre constructive avec l’équipe du CHU, nous avons eu une patiente éligible à cette procédure CEC. Son cœur a été prélevé et greffé chez une patiente du CHU qui va bien aujourd’hui. Notre équipe, qui ne connaissait pas cette procédure et cette machine avant la visite de la délégation du CHU, a ainsi prouvé sa belle adaptabilité.
Nous avons une équipe très investie avec une belle solidarité entre ses différents membres, explique Maurane Balts. Lorsqu’une procédure de don d’organe(s) est lancée, pour l’infirmière qui a en charge le patient donneur, la pression est importante. En plus de la charge de travail habituelle, elle devient la plaque tournante pour la famille, les médecins, l’équipe soignante, la coordination du centre de transplantation…, elle doit agencer son organisation de travail avec les coursiers, le laboratoire, et mener de front des examens qui s’ajoutent parfois dans l’urgence. L’investissement en temps et en énergie des soignants est énorme. Même si l’acte du don est beau et sauve des vies, la charge émotionnelle est parfois très forte au sein de l’équipe. Ce sont néanmoins des situations qui rassemblent, qui sont fédératrices, et les co-équipiers se prêtent main-forte dès que leur travail le permet.
Le don d’organes nécessite une formation continue très importante. Même si la sensibilisation de la population au don d’organes est essentielle, je souhaite d’abord me consacrer à la formation des soignants, explique le Dr Romain Thouny. Le don d’organes est une niche dans la niche (les soins intensifs) et quand on n’évolue pas dans cet environnement au quotidien, cela peut engendrer de la méconnaissance, des mythes et des fantasmes. Il est donc important à mon sens de faire tomber les murs. L’idée est de former les médecins d’un service puis, s’ils sont d’accord, de passer à la formation du reste de l’équipe. L’équipe doit en effet être formée en bloc pour que chacun de ses membres comprenne ce qu’il fait et qu’il n’y ait pas de souffrance en son sein lors d’une procédure de don d’organe(s).
Voir aussi
Fin de vie au CHC - Le don d'organes
Comité dons d'organe et de tissus